vendredi 7 février 2014

Une fable animalière cynique et complètement absurde pour détendre l'atmosphère du week end.

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Tandis que je picorai quelques rares vermisseaux sur un sol spongieux, je fus dérangé par cet intrus de canard, qui outre son impolitesse, trouva le moyen d'envahir sans vergogne mon garde-manger.




Moineau sans défense, misérable volatile considéré comme le plus faible de la gent aviaire, je fus bien obligé, sous peine de prendre une correction, de m'esquiver.

- "Nous sommes du même bord", lui dis-je en ronchonnant, "nous ferions mieux de nous allier et de partager  plutôt que de nous battre !" ajoutai-je avec aigreur.

- "Dégage microbe !" fit le vilain canard au bec si grotesque et à la voix ridicule.

Je me perchai sur la branche la plus haute d'un arbre pour assister avec le masochisme et le fatalisme  traditionnel  de l'oiseau dominé, au repas du glouton.

Du haut de mon perchoir, j'aperçus soudain arriver en se dandinant un héron qui, sans le moindre avertissement donna un violent coup de bec au canard qui sous la surprise et la douleur fila se réfugier sous l'arbre que j'occupai.

Comme tous les perdants et les battus, le canard ne put s'empêcher de contempler le grand oiseau faire bombance grâce à son long bec qui fouillait le sol profondément pour atteindre des lombrics colossaux.

-" Nous voilà bien avancés !", apostrophai-je le canard félon.

Ce dernier cancana stupidement comme tous ces stupides pieds palmés.

Tandis Que le héron se régalait, j'aperçus au lointain, une silhouette haut-perchée. Je reconnus instantanément François, la cigogne replète. Majestueux, il avançait, car il s'agissait d'un mâle, à pas lents avec ses longues pattes déliées et sa posture un peu raide pour paraître royal.
François n'eut pas besoin d'user d'intimidation pour faire fuir le héron tant sa position au sein de l'espèce plumassière ne souffrait que peu de contestation.

Le héron, vint se placer au pied de mon arbre, aux côtés du canard. Comme tous les vaincus, il ne pouvait se garder d'une certaine admiration pour celui qui tenait le haut du pavé. Je jubilai de voir tous ces anciens puissants trembler devant le maître du jour. 

François claqua bruyamment du bec et goba deux ou trois crapauds comme amuse-gueules devant une assistance à la fois jalouse, médusée, haineuse mais néanmoins admirative car la vision de près du pouvoir rend particulièrement con et soumis  tous les courtisans et émerveille le manant simplet...

François plastronnait, lui qui se pensait le phénix du bois et du marais, ne vit pas venir ce que mon instinct de survie, particulièrement développé chez les plus fragiles, avait senti avant tout le monde : un éclair roux que j'avais identifié comme un renard particulièrement affuté.

Méchant comme la peste, jaloux comme un tigre des Carpathes, comme tous les êtres malingres, telle une proie inlassablement pourchassée, je me régalai d'avance du malheur des plus puissants. Je trouvais qu'une certaine morale naturelle, une justice immanente favorisait non pas les plus forts mais les plus malins.

Je m'abstins bien de prévenir François, jouissant d'avance de voir celui qui se prenait pour un roi finir comme un vulgaire chapon de Bresse. Je ne vous raconte pas la suite tant la couleur rouge éclaboussa Goupil et ce qui restait de François.
L'assistance finit, dans une impudeur qui frisa l'indécence, par applaudir le spectacle à tout rompre. Comme quoi, lorsqu'on encaisse quotidiennement des humiliations, l'autorité n'a rien à attendre des oiseaux aigris, mécontents et considérés comme des moins que rien.

La morale de cette histoire : François aura appris à ses dépens qu'un petit moineau, aurait pu le sauver, s'il n'avait pas autant ressenti de mépris à son égard.

J'espère que ce petit conte, écrit d'un seul jet vous aura plu.

Poil au .... 
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PS:: Selon la formule consacrée, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.

22 commentaires:

  1. Ah, très bien effectivement !
    Tu as vraiment un joli brin de plume...
    Mais si tu pouvais écrire "GENT" aviaire je serais au summum de l'enthousiasme !
    Estelle058

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    1. Oui. Au début j'ai écrit "gent" aviaire et puis j'ai googueulé et j'ai vu que les 2 orthographes étaient correctes, aussitôt j'ai modifié en "gente" comme gente dame. Mais sans doute as-tu raison : j'ai corrigé.
      Merci. ;-)

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    2. Si "gent" est un nom qui signifie l'espèce (aviaire) il est invariable.
      Si "gent" est un adjectif (gentil, gente dame) il s'accorde.
      C'était mon quart d'heure de cuistrerie...
      Bonne journée cher Cui-Cui !
      Estelle058

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    3. Mais non ! J'adore qu'on me signale mes fautes pour les corriger ! ;-)

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  2. Très joli récit pour un blogueur politique mais je parie qu'il n'aura aucun succès car il sort des sentiers battus et les gens qui lisent les blogs politiques n'aiment pas beaucoup.

    VT

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    1. Je devrai vous engager. Vous avez raison. C'est un bide car pas assez sérieux...


      Merci; venez plus souvent. :-D

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  3. Vous avez manqué de présence d'esprit, ami moineau : quand le canard est venu se réfugier sous votre arbre, vous auriez pu lui fienter sur la gueule : ça ne sert à rien mais ça fait un bien fou.

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    1. J'aurais préféré attendre qu'ils soient 2 pour leur chier dessus. Chier sur les autres est ma spécialité pourtant...

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  4. J'ignore tout de l''anonyme VT" mais je conteste son avis arbitraire que ce billet "n'aura aucun succès car il sort des sentiers battus et les gens qui lisent les blogs politiques n'aiment pas beaucoup"...
    Je crois qu'il y a beaucoup de gens qui aiment les "hors sentiers battus", les bosquets à cui-cui, les fables animalières-philosophico-poético-politico-grinçantes à souhait !!
    Et tant pis pour les zôtres, psychorigides...

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    1. Il a eu raison. Les gens qui aiment la politiques sont très conventionnels selon ma propre expérience...

      Et ce n'est pas l'humour qui les caractérise le plus. ;-)

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  5. "Et d'ailleurs que sont les mots sinon des choses? N'ont-ils pas plusieurs dimensions, à cause de leur épaisseur sémantique? Ne sont-ils pas irréductibles? C'est un monde concret pour en exprimer un autre" Francis Ponge (Nouveau Nouveau recueil)

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    1. Oui. Et puis la poésie n'est pas mal non plus.

      Je vais finir par penser que ceux qui aiment la politique n'aiment pas le rire et la vie. Ce qui expliquerait que beaucoup d'idéologues deviennent des tyrans... CQFD

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  6. Joli conte. Mais elle est pas cynique ta fable Cui-Cui, on dirait qu'au contraire elle est nimbée d'une douce tristesse (Renoncement ? Défaite annoncée ? On y croit plus ?)
    Hé dis donc, Goupil, çà la fin, ce serait pas la Marine ? Paske la voir gagner le trophée du meilleur grimpeur, moi, sans déconner, ça me ravit pas trop, hein?

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    1. Elle est cynique dans le sens où dans cette fable, tout le monde se hait joyeusement et se réjouit du malheur de l'autre...

      N'est ce pas une parfaite description des partis de gauche ? :-D

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  7. Aux grands maux, les grands Rem* aident. Ils aident même les p'tits CuiCui perchés tout en haut.

    Certains matins de douce fraîcheur adoubée d'un soupçon de blanc, les mots lâchés dans la nature prennent un essor vigoureux, une prestance gaillarde, un volume insoupçonné, comme si soudain ils se retrouvaient neufs, durs, acérés, triomphants au sortir de l'œuf. Gare à ces mots-là, car ils pourraient clouer un Prométhée d'occasion sur un Ararat goguenard.

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    1. Je viens de terminer un dernière fiction d'actualité. Elle est en ligne.

      Quel poète, tu fais, cher Jean-Claude !

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  8. Un joli conte, ni cynique, ni absurde. La réalité l’est déjà assez, me direz-vous.

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    1. Merci beaucoup.
      C'est vraiment gentil de commenter. Cela fait chaud au cœur... ;-)

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  9. Les interprétations possibles sont ouvertes. Les oiseaux représentent la gauche ou la classe politique ? Le renard roux est il le FN ? Ceux qui applaudissent sont de gauche de droite ou les Français ?
    En le parcourant j'ai trouvé votre blog tout à fait original et surprenant.
    Jason

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    1. Oui le texte est volontairement ambigu pour que chacun fabrique son propre scénario. C'est volontaire. ;-)
      Merci : pour moi, l'originalité, la singularité et la spontanéité sont les plus beaux compliments qu'on puisse me faire. Bien au-delà de l'écriture ou de la narration.

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  10. "les gens qui lisent les blog politiques n'aiment pas du tout"

    Mais il est très politique ce conte.. il ne manque que la formule - qui n'existe pas - qui ferait comprendre à cette bande d'emplumés qu'ensemble ils pourraient bouffer le renard.

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    1. Voilà une des morales possibles ! Tu auras noté que je n'ai pas non plus mis de morale à cette fable.
      Chacun rédigeant la sienne. J'ai écrit une fable ouverte (voir réponse précédente).

      Et je m'amuse beaucoup d'observer les différentes interprétations, y compris celles auxquelles je n'avais jamais pensé ! C'est très marrant. ;-)

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La seule limite aux débordements : la loi....

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