lundi 4 avril 2016

Les mémoires d'un bœuf. Partie 1.

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Avertissement : toute ressemblance avec un bovidé, un animal à cornes encore vivant ou un quelconque steak frais voire congelé existant ne saurait être attribuée qu'à de hasardeuses circonstances.


Chers bovins,

J'ignore par quel hasard malicieux ce texte vous parvient mais j'ai tenu, au cours de ma brève existence, à témoigner de la vie délicieuse d'un bœuf, roi du monde et ultime but de l'univers.

Je m'appelle Hannibal, je suis un beau et plantureux bœuf de race charolaise, natif du Morvan où se situent mes pâturages ensemencés d'herbe grasse et goûteuse.

Ma mère Clarabelle, une belle et solide compétitrice médaillée dans une grande ferme située à Paris, Porte de Versailles, me mit au monde à partir d'une goutte de semence du terrible Attila, 1457 kg, qui se révèle être mon géniteur.

Le plus costaud des papas.
 J'eus une enfance heureuse et ludique, je ne fus jamais à court de nourriture, à base de bon lait et de foin savoureux, servie par de drôles de petits bipèdes agités et bruyants. Ma mère m'ayant expliqué que la nature, dans son incroyable génie avait créé autour de notre espèce, un monde entièrement dévolu à notre race illustre. Le soleil se levait afin que nous ayons chaud, la pluie faisait pousser l'herbe qui croissait et se multipliait pour nous nourrir et ces bipèdes ridicules qu'on appelait "hommes" se mettaient à notre service pour la prospérité et la gloire de notre race.

Notre société vivait dans un ordre parfait avec ses classes hiérarchiques basées sur la puissance physique ; le veau représentait le bas de l'échelle avec des sous catégories dépendant du résultat  d'incessants combats singuliers. Rappelons à toute fins utiles qu'un troupeau de bovins est en constante évolution hiérarchique selon la force et l'agressivité développées par chacune et chacun d'entre nous ; l'accès aux endroits préférentiels où l'herbe est plus verte en dépend.  Les taureaux représentant l'aristocratie de l'espèce reine du cosmos.

Vers 13 mois, on m’emmena dans une sorte de lieu cultuel pour me castrer. C'était un rite initiatique qui marquait solennellement au sein de notre espèce le passage du statut d'enfant à celui d'adulte. Malgré une brûlure assez vive je revins au pré, fier comme un veau d'or. Quelques taurillons moqueurs et mauvais esprits transformèrent mon nom Hannibal en Annie en ricanant comme de vulgaires vachettes d'arènes. Le détachement hautain que j'observai les dégoûta rapidement d'autant que je commençai à glaner ça et là des médailles avec des panoplies de rubans multicolores !

À tel point que nos domestiques bipèdes ne cessaient de frapper stupidement la paume de leurs pattes maladroites, affreusement dépourvues de sabots. Ces êtres malhabiles faisaient vraiment partie d'une espèce inférieure juste bonne à nous obéir servilement. Je me demande encore comment la Nature pouvait fabriquer des créatures aussi niaises et laides... Sinon comme instrument adapté à la perpétuation de notre civilisation solaire incontestable.


Maman, je t'aime !

Paître, se repaître, mastiquer et ruminer, péter, pisser et déféquer, se mesurer à son alter égo ; tout le reste n'étant que futilités. L'hiver, les créatures bipèdes nous emmenaient dans des hangars chauffés et ne cessaient de nous servir du bon foin bien sec et quelques gourmandises bienvenues.

Dans ce monde merveilleux certains tenaient toutefois à se singulariser comme ce taureau de réforme Prouston (qu'on appelait Roustons en cachette) qui passait des heures à se mirer dans la mare de notre pré. Cette vieille carne considérait chacune de ses bouses comme une grandiose œuvre d'art et comble du ridicule, il se trouvait dans le troupeau des amateurs pervers pour les admirer !

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes : les esclaves humains à notre dévotion, une vie nonchalante  à se régaler, le soleil, les oiseaux espiègles, la pluie bienfaisante, des herbes luxuriantes, une existence sans soubresauts, de la nourriture à foison... Que demander de plus ? 

Ce paradis sur terre prouvait incontestablement que nous étions les maîtres de la création puisque tous nos besoins étaient assouvis !

Quand un évènement inopiné survint un fameux jour du mois de mai. 

Alors que nos domestiques simiesques nous accompagnaient, nous nous aperçûmes avec surprise au détour du chemin, que le pré voisin était occupé par des bovins -aucun doute là dessus- roux. Ayant fréquenté la grande ferme du salon de Versailles, je reconnus immédiatement des Limousines.

C'est à se moment que tout bascula...


La suite de cette parabole sur l'ethnocentrisme dans trois ou quatre jours. 
Uniquement si vous avez aimé le premier chapitre. Autrement, à la prochaine !
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21 commentaires:

  1. Oh, oui la suite, c'est beau comme du Levi-Strauss.

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    1. 😂😂😂😂😂😂

      Horreur ! Préoccupé par le #panamapapers, j'avais oublié la parution de cet authentique chef d'œuvre. Clin d'œil.

      La seconde partie se révélera plus délicate en ces moments de temsion.

      Merci de ta fidélité car ce billet semble bien mal parti vu l'actualité.

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  2. Meuh!!!! j'aime...
    Il fut un temps où je participais au (feu) blog Ruminances.
    Hé bien, en plusieurs années, nul billet n'a été consacré à un tel éloge de nul ruminant...
    Ouf, tu sauves l'honneur!

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    1. L'honneur bovin est sauf ! ;-)

      Qui peut me prouver que l'être humain est la créature la plus aboutie de la planéte ou même l'ultime réussite ?

      Personne n'en sait rien finalement.

      Va savoir quel sera le résultat de l'évolution des espèces dans 5 millions d'années (ce qui est une durée ridicule à l'échelle de la création du système solaire ou même de la vie ?

      Ceci est de la philosophie de blog (pire que celle de comptoir). :)
      Merci d'être passé, Rémi ! ;-)

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  3. serais tu de retour après une longue absence… que je croyais définitive, puis, lien aidant, je découvre ceci.
    Il se trouve que je suis en cours de concocter un billet sur la disparition des vaches du à l'incitation vertueuse des véganes et autres végétariens de ne plus les consommer. Donc l'avenir de ces braves animaux seraient identiques aux chevaux de traits, et bientôt quelques spécimens en zoo pour préserver la diversité des races… à suivre.

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    1. Coucou !
      Non, non, je n'ai pas abandonné.

      J'ai continué en espaçant pour manque d'inspiration. Mais je reviens peu à peu...
      Je ne suis pas végan mais je me sens souvent en étroite complicité avec les animaux.
      C'est con, je sais.
      Merci d'être passée ! 😆

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  4. Je suis curieux de la suite pour tout vous dire.
    GL

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    1. La suite n'est pas convenue mais ce billet s'est révélé être un des plus gros bides de ce blog qui ne marche pourtant pas trop mal : la faute au titre probablement.
      Et puis la concurrence avec ces révélations du PanamaLeaks m'a complètement ratatiné.
      Smiley "rire jaune".
      Merci d'avoir témoigné. Smiley "sourire béat".

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  5. Coucou, mon cui cui! Moi aussi je reviens ;)Gros bisous mon Cuicui!

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    1. Salut Rosaelle.

      Ça gaze ? (jeu de mot adapté à la journée...)

      -D

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    2. très bien, la pêche!
      j'ai même fait le transfert de liste électorale pour voter cette fois-ci, c'est dire mon optimisme!

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  6. Ah!C'est toujours un plaisir que de te lire....Mais comme moi aussi je me sens proche des animaux ( dont nous faisons partie), au point de me demander si le "péché originel" n'aurait pas été le fait de manger de la viande ( et donc , de tuer pour ce faire ), plutôt que de croquer dans une pomme, je crains pour le héros de ton admirable récit...Que j'attends avec impatience , cher Cui-cui !

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  7. Merci Fifi. ☺

    J'ai mis la suite au frais mais j'attends encore un peu. Ce billet, c'est un peu mon Trafalgar. 😂😂😂

    Le temps de reprendre ma respiration après cette noyade. 😥😷
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  8. Qui vole sur un œuf vole sur un bœuf. Sauf que le bœuf ayant des pattes plus longues, le transport (arrrrghhhhhh RHHHHAAAA LOVELY) en est plus pérenne.

    Salut mon Cui Cui, le soleil luit, lui, comme à Calluire et CUIRE. Et les bœufs de la bourre, d'applaudir à gros sabots.

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  9. Salut Babel ! Toujours content de te croiser. ;-)
    Éloge de la fidélité.

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  10. Demain, j'envoie la suite et on clora définitivement ce conte foireux.
    Ciao !

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  11. Ce gros taureau prétentieux ressemble à s'y méprendre à cet autre gros boeuf saint patron des agriculteurs 😂

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    1. Ce taureau est un concentré de tous ces éditocrates, moralistes à la mords moi le nœud, experts à la con, économistes ratés et tous ces gens qui font la queue dans nos médias pour répéter sans cesse la même ritournelle ! ;-)

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La seule limite aux débordements : la loi....

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