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Avertissement : ce billet est la suite et la fin de vieillesse et détresse.
Lorsque je rentrai dans la chambre, Elle était assise sur son fauteuil, le long de son lit médicalisé. Sa main droite posée sur l'accotoir tremblotait. Sa tête, recouverte d'une maigre chevelure blanche, était penchée sur la droite, son cou n'ayant plus la force nécessaire de maintenir son port. Son visage, livide et émacié.
Son regard était vague presque sans expression avec parfois de soudaines lueurs douloureuses soulignées par un bref et indéfinissable sourire énigmatique.
Avertissement : ce billet est la suite et la fin de vieillesse et détresse.
Lorsque je rentrai dans la chambre, Elle était assise sur son fauteuil, le long de son lit médicalisé. Sa main droite posée sur l'accotoir tremblotait. Sa tête, recouverte d'une maigre chevelure blanche, était penchée sur la droite, son cou n'ayant plus la force nécessaire de maintenir son port. Son visage, livide et émacié.
Son regard était vague presque sans expression avec parfois de soudaines lueurs douloureuses soulignées par un bref et indéfinissable sourire énigmatique.
La poupée de Hans Bellmer 1934. Surréalisme. Art dégénéré selon le 3ème reich |
- "Bonjour monsieur Garnier." Me salua t-Elle machinalement.
- "Mais... je ne suis pas Monsieur Garnier !" Lui répliquai-je, agacé.
Elle
ne releva pas et continua : "Si vous saviez comme je souffre, monsieur
Garnier, chaque geste, chaque posture m'arrache des hurlements de
douleurs. Les aides soignantes me grondent en me traitant de douillette
parce que je gémis à chaque mouvement mais si vous saviez, monsieur
Garnier ! Elles n'imaginent pas combien j'ai souffert physiquement dans
ma satanée vie qui s'achève et pourtant je n'ai jamais eu aussi mal !"
"Parce
que je sens venir la fin, monsieur Garnier, je souhaite même que la
mort me prenne en plein sommeil pour en finir avec ces souffrances
insupportables."
"La
nuit, je pense sans cesse à ma maman, il m'arrive même de me surprendre
à l'appeler en criant. Si vous saviez comme ma maman me manque monsieur
Garnier..."
De
fait, ayant été hospitalisé pendant une bonne année dans un service de
chirurgie orthopédique à cause d'une saloperie de maladie nosocomiale
contractée sur une table d'opération, je me rappelais des longues nuits
ponctuées par les nombreux et interminables hurlements de petites
vieilles opérées du col du fémur, meurtries par de profonds escarres et
qui ne cessaient d'en appeler à leurs mères. Ces réminiscences m'avaient
beaucoup marqué.
Elle
reprit de sa voix atone -elle ne s'adressait plus vraiment à moi- le
regard lointain braqué sur son enfance : "Vous savez, monsieur Garnier,
on raconte que la Mort est un squelette grotesque muni d'une faux, et
bien c'est une blague, monsieur Garnier !"
"Chaque
nuit qui passe, je me revois de plus en plus jeune, une enfant, presque
un bambin. Des images enfouies me reviennent une à une alors que je ne
me rappelle plus rien de ce qui m'est arrivé depuis des mois. Ces
souvenirs me réchauffent. Je me sens glisser peu à peu dans la douce
quiétude maternelle..."
"Parce
que, vous savez monsieur Garnier, je veux mourir en pensant que je
glisse dans le ventre de ma maman, une sorte de retour à l'origine, et
qu'asphyxiée, je m'y noie pour l'éternité."
Des larmes coulaient de ses yeux clairs.
Elle se tût. et s'endormit calmement.
Je la réveillai pour lui annoncer mon départ.
Elle me regarda, indifférente :"Au revoir monsieur Garnier."
- "Au revoir maman."
J'étais tellement chaviré que je n'eus pas la force de pleurer.
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PS : je ne commenterai pas ce billet.
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