mercredi 27 mai 2015

Notre nouveau journaliste d'investigation en immersion, Jean-Michel Aphatie, a testé spécialement pour les lecteurs de ce blog : le chômage.

Avertissement préalable : toutes ressemblances avec un personnage réel ou des évènements actuels ne seraient que pures spéculations. La dérision de ce témoignage imaginaire n'engage que l'auteur anonyme de ce blog ignominieusement pervers.



Chers amis loyaux et fidèles supporters,

Avant tout récit, je tiens tout particulièrement à remercier monsieur Cuicui, patron du célèbre et cultissime blog "les divagations énervées d'un oiseau de mauvais augure" de m'avoir embauché après l'odieuse suppression de mon poste d'interviewer lors de la matinale de RTL, conjointement à ma probable et non moins scandaleuse éviction du "Grand journal' de Canal + qui me rapportait suffisamment d'argent pour rembourser les crédits de mes trois villas au pays basque, à Saint Tropez et aux Caraïbes ainsi que mon loft du  7ème arrondissement de Paris et les deux appartements de mes enfants, avenue de Friedland.


En immersion dans l'armée prussienne (1867)


Ce saint homme (Cuicui) injustement méconnu, écoutant une bonté surnaturelle qu'il a chevillée au corps, m'a confié pour mission de réaliser des reportages en immersion totale dans des milieux hostiles et dangereux. Pour information, ma prochaine mission consistera à effectuer une enquête périlleuse dans des quartiers pauvres du neuf-trois, comme dit la plèbe.

Mon employeur a insisté pour que je suive une école de journalisme d'investigation car d'après lui et selon les canons sacrés de l'économie de marché, la formation continue constitue une des deux qualités d'un bon journaliste. L'autre étant une complète adéquation entre l'enquêteur et un système politique bienveillant qui considère l'équilibre budgétaire comme un but en soi (mais il s'agit déjà de mon crédo).
Mon patron a donc profité de l'aubaine d'un contrat aidé pour m'embaucher : je ne lui serai jamais assez reconnaissant, d'autant que  son blog, selon ses dires, est lu par plus de 362 visiteurs uniques par mois ! Ce qui n'est pas une peccadille pour un journaliste de mon envergure.

Maintenant je vais vous narrer le volet social de ma première enquête de terrain et les horribles tourments psychologiques endurés par votre serviteur et tous les chômeurs suite à nos licenciements.

Je me suis donc rendu, sitôt ma situation confirmée, au pôle emploi le plus proche de mon domicile, rue de Saint-Pétersbourg dans le 8ème arrondissement de Paris. J'ai dû subir une longue attente entrecoupée de sympathiques séances de dédicaces sur des convocations mais aussi parsemée de quelques quolibets pointant de soit-disant chiens de garde de l'ultra-libéralisme. J'attendais mieux de la tenue de chômeurs fréquentant le pôle emploi du plus prestigieux arrondissement parisien !

L'employé qui me reçut semblait au courant de ma situation et me tint un discours que je ne pus contester sans sombrer dans un gauchisme échevelé. Il me déclara que le patronat, acteur essentiel du  système économique, fondé sur la rentabilité et la performance, licenciait à juste raison ceux qui ne rapportaient plus suffisamment de profits à leur employeur et qu'il se trouvait, malheureusement, que mon créneau horaire sur RTL, battu en brèche par la concurrence justifiait un remplacement salutaire pour l'actionnaire...

Veuillez rectifier le verbe "rapporter" par "rapportait"


Je ne pus que m'incliner devant des principes et des arguments que j'ai toujours défendus avec âpreté et conviction. Non sans un certain pincement au cœur. Un vague ressentiment gauchiste vint frôler mes pensées : je le chassai avec vigueur. Chacun sait bien que l'économie de marché, la compétitivité et l'austérité sont les règles de la survie de notre société, par le sourire de Tony Blair et la perruque rousse de Margaret Thatcher !

Les jours suivants je dus subir un long calvaire. Passer d'un revenu de 27.000 € par mois au SMIG que m'octroya le généreux Cuicui fut une épreuve que ma famille vécut avec douleur. Je souligne ici la  détresse épouvantable que doivent essuyer les chômeurs passant d'un salaire de 10.000 à 30.000 € à un salaire minimum ! Cette immersion m'a fait comprendre une certaine réalité sociale qui m'avait échappée jusqu'ici... Des larmes dans la voix, je demande pardon à mes fidèles auditeurs.

Le pire s'annonça quand les organismes de crédit me réclamèrent les 17.438 € mensuels dus au titre du remboursement de mes acquisitions immobilières. Je vous passe le nombre de nuits passées devant la table de cuisine à boire du gros rouge qui tâche jusqu'au coma éthylique.
Je vous écris ces lignes avec une émotion particulière. À cette heure, je n'ai plus de domestiques, je ne me suis plus lavé depuis des jours, mon lévrier afghan est couvert de puces, mes vêtements sentent la sueur, on ne me reconnait pas dans la rue, plus personne ne veut de mon avis. 

Je suis devenu un zombie social, sacrifié au champ d'honneur sur l'autel de l'ultra libéralisme comme un brave petit soldat mort courageusement pour que le capitalisme financier sauve la France et le monde occidental menacés de toutes parts.

Oui. Le chômage est une véritable tragédie mais néanmoins un passage obligé pour rétablir l'équilibre de nos comptes et d'étayer le bonheur des futures générations qui vous seront reconnaissantes à jamais en glissant sur vos tombes un magnifique bouquet de chrysanthèmes multicolores en hommage à votre sacrifice économique ! 


c/c Jean-Michel Aphatie



PS : Le taulier de ce blog m'a demandé de laisser pousser ma barbe et de m'entraîner au tir à la kalachnikov afin d’effectuer un prochain reportage en immersion totale en Syrie... Par déontologie, j'ai accepté : mon billet, un aller simple pour la Turquie fourni par mon employeur est déjà dans ma poche. J'ai hâte de vous faire partager mes impressions, de vous fournir enfin des preuves visibles de ma compétence et de montrer à tous que j'ai bien la tête sur mes épaules.


mardi 12 mai 2015

"Argumentez !" Nous intiment-ils. À quoi bon ? Répondit l'écho





Copyright par Maître @cuicuinrv ; triple doctorant en tout, en rien et surtout en foutaises.


Chères amies, bien chers frères,

Devant le dernier et fulgurant succès du dernier texte de feu Rabelais sur ce modeste blog, je me suis crû autorisé à prendre une parole égarée depuis bien longtemps pour cause de fainéantise chronique et héréditaire, affection particulière contaminant fréquemment les individus mâles originaires d'une certaine île de la Méditerranée que je ne nommerai pas par prudence...

Avant de continuer, prenez votre smartphone et répondez par SMS au 66666666 à la question suivante : si le sujet vous ennuie, tapez 1, s'il vous intéresse tapez 2  (seulement 8,99 € la seconde).

http://marianne-fle.over-blog.com/article-micro-debats-103973454.html


Or donc.

Devant les dizaines de polémiques plus ou moins intellectuelles, provoquées par des livres spécialement destinés à les susciter, je me suis retrouvé, ânonnant comme beaucoup sur Twitter un avis tranché sur des bouquins que je n'avais pas encore parcouru mais dont j'avais entendu parler au travers des médias par des journalistes qui les avaient vaguement lu en diagonale  pour justifier leur salaire.

Il s'est trouvé un moment où un un de mes interlocuteurs, sévère et probablement aussi ignorant que moi m'a lancé un vibrant "mais il faut argumenter !"

Certes...

Mais à quoi bon argumenter si on sait par avance que son contradicteur, quelque soit votre raisonnement -aussi brillant fût-il- vous le jettera à la figure pour le contester avec des arguments qui vous laisseront de marbre ?

Et c'est bien dans cette impasse que je tenais à m'engager : dans une majorité de cas, les débats médiatisés ne servent strictement à rien puisque chaque spectateur ou auditeur possède déjà un avis bien tranché sur un livre qu'il n'a pas lu mais dont il a entendu parler !

Quel est l'intérêt d'assister à la cinquantième version d'un double monologue qui ne persuadera que les partisans convaincus d'avance ?


Je me permets ici un bref aparté. 

Cette multiplicité de polémiques a le don de diviser, toujours davantage, une gauche de plus en plus fragmentée.

Désormais, vous trouvez sur votre marché des gauches roses pâles, roses lilas, rouges, rouges staliniennes, rouges trotskystes, des rouges verts, puis des rouges bruns antisémites, des bruns rouges, des bruns marrons rouges islamophobes et judéophobes, des rouges complotistes, des rouges bruns verts, des rouges bruns féministes, des bruns rouges racialistes, les bruns bruns qui font semblant d'être rouge, les bruns dont le rouge s'est transformé en caca d'oie et plein de nuances aussi effrayantes les unes que les autres.
J'arrête là, je ne parviendrai jamais à en faire le tour !

Les camarades Lénine, Trotski et Jaurès, bienheureux trépassés, n'y retrouveraient pas leurs petits !

La segmentation de ces gauches irréconciliables annonce évidemment l'ouverture d'une voie royale pour toutes les droites. Le président actuel pense profiter de ce carnage idéologique qu'il a encouragé par un comportement politique scandaleusement médiocre : il ravalera vite sa morgue.

Fin de l'aparté.


La vitesse de l'information, la surmédiatisation des vedettes du petit écran, journalistes, invités, écrivains, copains, la fréquence incroyable des passages à l'antenne des mêmes invités -sorte de ronde démoniaque- font que les notoriétés ou les sympathies irrationnelles sur le physique et l'attitude, comptent bien souvent davantage que les arguments développés.

De surcroît, si vous n'avez pas encore d'opinion sur les idées de la star, leurs soutiens médiatiques vous éclaireront rapidement et votre choix sera guidé selon les sommaires grilles de décryptages que vous vous serez fixées.

Par exemple, si une héroïne de téléréalité inconnue publie un livre et que Catherine Deneuve n'en dit que du bien, votre préjugé risquera d'être favorable.

Nonobstant, en ces temps mouvementés, il est urgent -que dis-je- nécessaire- d'avoir une opinion sur tout ! Malheur au citoyen qui ne prend pas parti. Honte à la brebis qui s'égare. Vive le sondage globalisant qui vous emmaillote dans son cocon de ouate ! Longue vie au communautarisme d'opinion, ce délicat bouillon dans lequel chacun mijote délicieusement au milieu des siens ! 

Que nos opinions politiques soient pavées de lieux communs en or massif et surtout que le bon dieu qui n'existe pas nous protège des extrêmes !

La providence, les ploutocrates, les élites financières, économiques, culturelles et les directeurs de médias veillent sur nous.

Que les dominants protègent leur peuple contre leurss penchants morbides vers une rébellion malsaine !

Allons enfants du troupeau, le jour de gloire ne tardera pas. 

Désormais, le premier qui me demandera d'argumenter sera envoûté selon les rites magiques vaudous et corses qui, associés, donnent des résultats terrifiants... Tant pis pour lui.

Amen.


Ce billet est affreusement décousu, je vous prie sincèrement de m'en excuser : comme d'habitude, je me suis éparpillé en mille morceaux informes.

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