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Cet épisode banal s'est produit il y a quelques mois dans la montagne corse au lieu-dit photographié plus haut.
Une buse tournoyait inlassablement en cercles concentriques au dessus d'un poulailler. Elle devait avoir l'estomac dans les ergots vu l’acharnement de ses agissements et la patience dont elle faisait preuve.
http://letrainebuisson.blogspot.fr/2007_11_01_archive.html |
Je descendis auprès des poules qui vaquaient à leurs occupations et m'assis sur un muret pour éviter quelques meurtres en série.
Cette satanée buse, avec un aplomb qui frisait l'insolence continua pourtant son manège malsain...
Bien que faisant partie d'une espèce protégée, la buse corse reste prudente grâce à un atavisme insulaire qui pourrait surprendre plus d'un rapace continental, en survolant sagement ses proies à une altitude extrêmement respectable, au delà d'une portée de fusil.
Bref. Pardonnez mes digressions vaseuses mais j'en viens au sujet principal.
Tandis que je conversai avec la volaille, qui, tout en picorant et en grattant la terre à la recherche d'un vermisseau, ne perdait pas une miette de mes paroles, un merle bien dodu, une espèce protégée qui finit fréquemment en succulent pâté vint se percher sur mon épaule gauche.
Étant un individu frustre et peu cultivé, j'ai toujours eu la conviction que tous les êtres vivants, végétaux compris, de notre planète, de par une génétique presque commune, se comprenaient forcément, même s'ils ne parlaient pas le même langage.
Et là en tant qu'humain rempli d'une suffisance abjecte, d'une arrogance irrespectueuse et d'une bouffissure méprisable, je me moquai de ces gallinacés dont j'avais appris que les ancêtres étaient ces fameux dinosaures qui avaient dominé le monde sans partage pendant la bagatelle d'environ 165 millions d'années.
- Regardez vous, misérables cocottes, me moquai-je, filles et cousines des pires prédateurs qui ont écumé notre terre. Observez ce que vous êtes devenues : de petites machines biologiques, élevées en batterie pour nourrir une humanité dont les ancêtres rampaient sous terre et se cachaient devant la puissance inouïe et la sauvagerie effrayante de vos aïeux.
- L'homme : quelle merveille ! Ajoutai-je, béat.
Le merle se mit à siffloter et ô miracle, je compris tout ce qu'il affirma.
- Pauvre fat ! Me lança l'oiseau noir. Certes, nous avons dominé la terre pendant des millions d'années et si cette maudite météorite n'avait pas ravagé la Terre il y a 65 millions d'années, c'est vous qui seriez à notre place dans cet élevage ! Nul doute que notre civilisation serait alors infiniment supérieure à la vôtre !
Ces paroles me révoltèrent. "Mais l'Homme est l'accomplissement réussi de toutes les forces du cosmos", déclarai-je sottement, "il a inventé les mathématiques, la philosophie, la poésie, la science... Dieu."
- Crois moi Cui cui, vous n'êtes qu'une espèce temporaire qui se détruira par cupidité et stupidité. Jamais vous ne régnerez aussi longtemps sur la planète que nos aïeux les dinosaures ! Peut-être dans quelques milliers de siècles, votre race terminera t-elle sa carrière comme la nôtre, élevée en batterie pour nourrir quelqu'insecte géant qui vous aura supplanté...
Il reprit.
Dans ce monde qui nous dépasse, toute espèce ou civilisation est sujette à la décadence et à l'avènement d'une nouvelle race ou organisation qui la remplacera.
Il reprit.
Dans ce monde qui nous dépasse, toute espèce ou civilisation est sujette à la décadence et à l'avènement d'une nouvelle race ou organisation qui la remplacera.
Quant à imaginer que grâce à vos facultés intellectuelles, votre espèce perdurera, c'est méconnaître les lois de la nature et de l'univers qui privilégient la violence, les retournements de situation, les catastrophes écologiques, les maladies et virus, la brutalité et la cruauté ! Et si vos dieux existaient, nous autres créatures de l'univers, le saurions puisque nous sommes faits de la même pâte !
Ivre de fureur, d'un geste rapide je saisis ce merle gras bien trop pédant et sentencieux, puis à l'aide de ma main gauche je lui tordis le cou. Son trépas fut instantané. Je le remontai à la maison pour le faire rôtir dans la cheminée.
En quittant le poulailler, j'entendis des gloussements caquetants de la part de ces poules irrévérencieuses que je pris à juste raison pour des quolibets et des sarcasmes.
En signe de dépit, j'ai levé la tête, apostrophant la buse, lui souhaitant bon appétit !
Je ne sus pourquoi mais la nuit suivante fut parsemée de cauchemars monstrueux. Pourtant le lendemain, aucune poule ne manqua à l'appel.
Sur ces fadaises qui n'ont qu'un lointain rapport avec la politique politicienne, chers lectrices et lecteurs qui avez eu le courage d'arriver jusqu'à ces lignes, je vous donne rendez-vous pour plus tard si le fantôme du merle corse daigne me laisser en paix une nuit. Une nuit seulement.
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Salut ami Cui cui,
RépondreSupprimerTu devrais lire (si tu ne l'as pas déjà fait le chefd'oeuvre de Clifford D. Simack "Demain les chiens". Une merveille de S_F !
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/1246
Bonne lecture ;0)
Paz y Salud !
Zgur_
Il existe aussi une nouvelle dans laquelle les Martiens (qui sont petits) débarquent sur la Terre au temps des dinosaures et sont écrabouillés par les grosses bébêtes. Les dinosaures nous ont donc sauvés!
RépondreSupprimer@ Zgur
RépondreSupprimerNon, je n'avais pas lu. Je vais tâcher de me le procurer. Merci pour ton passage et tes conseil. Ce billet, en tout cas, ne déchaîne pas les passions...
Bof !
@ Férocias
Très drôle. Je sais que tu es un maître en la matière. Toutefois j'avoue avoir eu une période "science fiction", il y a belle lurette mais le genre "space opéra" ne m'a jamais vraiment emballé.
@ Zgur
RépondreSupprimerConseils avec un S, bordel !!!! Pardonne moi.
Pauvre merle moqueur, son destin n'est jamais clément.
RépondreSupprimerRobert Spire
Hello, Cui-cui, c'est un super récit et je me suis beaucoup amusée!Je profite d'un -trés- court répit pour te faire un coucou et pour passer un bon moment, ce dont je suis sure car , chaque fois que je viens te lire, c'est le cas. :)
RépondreSupprimerDepuis cette nuit, nous vivons un véritable déluge, ici, avec orages, averses rageuses, vents violents , coupures d'électricité, et la rivière qui, hier, n'était plus qu'un petit cours d'eau sinuant entre les rochers, est devenue un fort torrent charriant des troncs d'arbres!Elle va battre son record de crue, c'est sur! Heureusement que je n'ai pas à sortir... Je prie pour que les merles du coin soient bien à l'abri...ET pour que ces magnifiques sapins hauts de 20m -et qui sont à moins de 10m de mon habitation(...)ne me tombent pas dessus!...:):):)
Je ne sais si ton cauchemar fut pire que la réalité...
RépondreSupprimerJ'ai parlé aux sapins : ils m'ont dit qu'ils sont là depuis plus d'un siècle et que, des tempêtes, ils en ont vu beaucoup, sans tomber...Et que cela durera si cet imbécile de bourgeois qui vient là une fois par an à la belle saison arrête de couper leurs branches, histoire d'avoir plus de soleil!...
RépondreSupprimerEt je rejoins ta métaphysique animalière, végétale et minérale,en pensant aux magnifiques dessins que font certains petits poissons aux fonds des mers, aux merveilleux nids que construisent certains petits oiseaux, les parsemant de fleurs multicolores pour attirer leurs belles, au courage et aux trésors de ruses dont sont capables les alouettes -dont le chant est si beau- pour éloigner les prédateurs de leurs oisillons, à la force d'abnégation de la mère louve pour son petit, en me disant que l'Humain, qui s'imagine si grand, est finalement bien petit...
@ Robert spire
RépondreSupprimerSurtout s'il est révolutionnaires. Les merles moqueurs de droites sont trop "planplan"
@ Fifi
Tu as la chance dans un pays préservé des horreurs de la surpopulation. L'Ardèche est devenue le lieu des résidents secondaires : ce qui ne fera jamais revivre ce pays, sa nature, et tout ce qui préserve les équilibres.
La campagne française, lieu de résidence et de loisir des citadins au détriment des agriculteurs est une aberration écologique. Le maquis risque de se généraliser et les incendies de s'étendre, le manque de végétation accélérant la sécheresse des sols et la désertification des paysages.
@ des pas perdus
La réalité n'existe pas mais j'aurais bien voulu ! :)
@ tous
Je lui "tordis le coup" ai-je écrit distraitement. J'ai très honte d'avoir laissé passer cette horreur : c'est un mauvais coup porté à la langue française que je maîtrise bien mal. Je mérite la corde au cou. Je suis surtout contrarié de m'en être aperçu si tard !
Hé oui cui cui,c'est "je lui torda le cou" qu'il fallait dire,enfin...
RépondreSupprimerdu verbe torder, bien entendu !
SupprimerÇa me rappelle cette faute qu'on rencontre partout "untel a eu tord" au lieu d'écrire "tort".
Merci pour cette leçon d'orthographe !
Moi, j'ai pris cela pour une faute d'inattention, sans plus, pas de quoi en faire un fromage :)
RépondreSupprimerCe n'est pas comme ce que j'ai entendu une fois , par une responsable administrative trés imbue de sa fonction: " C'est ennuyant..." "Oui",- lui ai-je répondu tranquillement -, "c'est trés embêteux." Et là, elle m'a regardée d'un air dubitatif, se disant probablement que j'avais fait une faute de français!...:)
PULL !
RépondreSupprimer"Demain les chiens" ? ah oui, un régal que je relis de temps en temps depuis 40 ans.
Mais n'hésite pas aussi à (re)lire "La ferme des animaux", d'Orwell, terriblement plus pessimiste.