vendredi 24 septembre 2010

Famine, Afrique et désespérance...


Il y a peu, je suis tombé sur un reportage concernant les pirates somaliens pourchassés par toutes les marines du monde. Ces flibustiers attaquent des navires civils, tankers, porte-containers ; et même des plaisanciers pour prendre en otage les équipages et demander une rançon.


Arrestation de pirates somaliens.

 

Et je me suis souvenu...

Il y a longtemps. Assez pour prendre du recul, pas suffisamment pour oublier.

En garnison à Djibouti comme 2ème classe, à 25 kms de la Somalie au camp Letellier, sans cesse en prison militaire pour indiscipline caractérisée, ma tâche consistait à vider les poubelles du régiment et à convoyer un camion benne jusqu’à la décharge située à l’extérieur de la ville. Nous pataugions jusqu’aux chevilles dans des résidus poisseux et décomposés dont vous imaginez l’odeur sous les températures et l’humidité de l’air les plus extrêmes. Un des climats les plus épouvantables du monde.

Mais, amis, le pire est à venir…

Lorsque nous arrivions à la décharge, les odeurs pestilentielles et une puanteur immonde vous prenaient à la gorge, des nuées de gosses dépenaillés, faméliques , les jambes maigres, les genoux proéminents grimpaient sur le camion en riant avec des régiments de mouches agglutinées sur la peau toujours en sueur, il fallait boire plus de cinq litres d'eau saumâtre par jour pour survivre...Les gamins commençaient à trier les déchets car leurs seuls ressources alimentaires provenaient de nos restes putréfiés.
  
Ils étaient joyeux… Toujours de bonne humeur, rieurs, plaisantins et chaleureux. Si bien que nous oubliions systématiquement le pathétique de la situation et de rigoler et de déconner avec ces enfants. L’un ,Idriss, un gamin de 12-13 ans avec qui j’avais sympathisé à force de le croiser, se mettait à genou dans les excréments, triant avec méticulosité pour trouver quelques reliefs comestibles. Les mouches se collaient toujours par amas sur les commissures de ses lèvres et de ses yeux ainsi que sur quelques estafilades purulentes. Des centaines de gens vivaient ici dans des conditions infernales au cœur de cette décharge dans des circonstances qu'on n'imagine pas dans nos contrée.


Quoique...


Un jour, je ne vis pas Idriss, je lui avais amené quelques boîtes de sardines que j’avais chapardées au mess des officiers. Je ne sus jamais s’il était parti chez lui en Somalie ou s’il était mort, emporté par la tuberculose qui faisait des ravages à cette époque.

Je n’ai pas décrit cette situation pour excuser les exactions des pirates somaliens et omettre la douleur des familles des otages auquel je compatis, mais il est certain que devant la misère qu’on côtoie dans cette région du monde , et si par extraordinaire, vous vous trouviez devant ce choix barbare de crever de faim ou de vous livrer à des violences pour survivre, vous, votre famille et même votre communauté, ou de tenter votre chance dans un pays occidental, quitte à être traité comme un chien ou expulsé, je ne sais quelle voie vous choisiriez.

Moi je le sais.

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Lectrices, lecteurs,, peut être vous parlerais-je un jour des rencontres qu'on peut faire dans ce désert volcanique inhumain, où les pierres et le soleil semblent vibrer de concert, endroit mythique et effrayant proche d'un des berceaux de l'humanité (Lucy, une de nos ancêtres est issue d'une région située à quelques centaine de kilomètres), mais en attendant, je vous place en lien l’UNICEF qui fait un travail formidable sur le terrain et qui mérite notre confiance. Notre générosité me paraît aller de soi dans un monde ou les valeurs du fric, du profit et de la cupidité, véhiculées par des politiques et des médias pitoyables et indignes n’en finissent pas de nous ronger la moelle.

Salut à tous, oubliez moi, pensez à Idriss qui hante mes cauchemars et à tous les êtres humains qui, scandaleusement, crèvent encore de faim à notre époque sous les regards indifférents ou intéressés de spéculateurs, financiers, dirigeants d'entreprises multinationales, sportifs millionnaires, vedettes de cinéma, stars du show bizz ou oligarques sordides, pressés d'acquérir une image gratifiante et estimable à bon compte auprès des foules subjuguées par leur pseudo bonté. Surtout lorsque l'ultime but de leur sinistre et médiocre existence, consiste à rechercher les meilleurs paradis fiscaux pour éviter de partager et de s'y réfugier comme dans une confortable coquille d'égoïsme.

Ah ! Comme l'avidité sans fin de ces individus dans la course au luxe et à la futilité, louée et vantée par des médias et des politiques dévoués et sans scrupules, devant un public demandeur et connement admiratif, nous semble si dérisoire !

Comment, ceux qui possèdent tant, pourraient ils croiser le regard de leurs semblables qui n'ont même plus la force de hurler leur misère, faute d'être nés dans une région dénuée de tout ?

Arf ! Je me sens complètement désarmé dans ce monde arbitraire dont les ressorts m'échappent...

La 2ème photo, particulièrement poignante, est de Kevin Carter et date de 1994.


Amis, à après si le hasard nous prête vie...Profitez de votre existence et de votre santé comme il se doit.

Et battons nous comme des lions pour sauvegarder une vie décente jusqu'à ses ultimes instants !


J'ai rédigé ce texte le 3 juin 2009 . Il a été publié sur le Village des NRV... Ce billet n'a connu aucun succès sur le Net...



11 commentaires:

  1. Rien à dire que pas grand chose après un tel témoignage.
    De quoi être énervé Oiseau. Alors merci pour ta colère.

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  2. du succès sur le net, tu parles, ils s'en foutent tous de la réalité.

    tu montais déjà dans ma vision de qui tu es depuis ma première venue ici sur les banlieues, tu as acquis mon estime (normalement je suis fidèle)

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  3. @ Mike Hammer

    Merci pour ta fidélité. Je n'écris pas toujours des trucs marrants... Et je suis d'autant plus touché de ta présence.

    @ Annie

    Je me rappelais avoir écrit ce texte, il y a plus d'un an. Je me souvenais qu'il avait fait un bide complet.

    J'ai testé pour voir s'il s'agissait d'un accident. Non, hélas, tout le monde se fout éperdument du sort de ceux qui crèvent la faim.

    Sans comprendre que, en plus de l'empathie et de l'aide qu'on doit à ses braves gens, cette question conditionne les flux migratoires...

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  4. Tout le monde s'en fout? Je ne crois pas mais l'attention est sans cesse soit accaparée par les soucis quotidiens et pour beaucoup ils sont nombreux, soit distraite par les conneries que balancent les médias.
    Et puis tout est fait pour flatter l'individualisme, l'indifférence aux autres.

    Ton texte est bouleversant.

    Un monde aussi déséquilibré n'est pas viable. Triste constat.

    Baci

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  5. celeste ce que tu dis est vrai, mais applicable à tout et partout (syndicalisme et politisation faibles) nous somme pris dans l'idéologie libérale du plus heureux en possédant le dernier gadget (écran plat, mobile machin, etc)

    les gens sont emmenés là et ça leur évite de penser ou réfléchir à la vraie réalité dont même la leur.

    la démocratie est vraiment en danger, le populisme à de belles heures devant lui.

    pour revenir à la réalité de la faim : il y a largement de quoi bouffer pour tous sur la planète, "simplement" c'est accaparé pour se faire du fric

    les pays riches doivent arrêter de subventionner leur agriculture … tu vois beaucoup de Français d'accord aves ça ?

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  6. Colère, rage, désespoir.

    Même si je suis de plus en plus inquiet, je reste optimiste - parfois à l'insu de mon plein gré. C'est quand même un "je" tremblant mais résolu qui murmure : "la Vie l'emportera !"

    Bien sûr, je ne suis pas sûr de penser ainsi demain mais vivre, ici, maintenant,en cette minute, c'est espérer, serrer les poings et resserrer ses pensées. Se battre, quoi !

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  7. il y a tant de raisons d'être en colère ! tant de misère alors que nous aurions largement, très largement, les moyens de nourrir tous les peuples ! Mais ce ne serait pas rentable, n'est-ce pas ? pas de profit à en tirer, z'ont qu'à crever !
    plus particulièrement, en ce qui concerne les pirates somaliens, ton (très beau et émouvant) billet m'a rappelé un article du Monde Diplo d'il y a quelques temps...je me souviens que sa lecture avait radicalement modifié ma perception de ce qui se passe là-bas, perception déformée, comme toujours, par nosmédia qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez...
    voici le lien
    http://www.monde-diplomatique.fr/2008/11/LEYMARIE/16470

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  8. Il ne tient qu'à nous de les aider, s'engager dans des assoss, partir sur le terrain...
    c'est beaucoup plus facile qu'il n'y parrait de se lancer dans l'action, chacun à son niveau peut faire bouger les choses...
    @ l'auteur, j'ai failli vous répondre "au Laos, ils sont dans la même situation, voire pire mais ils ne volent pas, ne kidnappent pas..." mais je me suis ravisée. Ils ont de l'eau qui fait qu'on n'a qu'à écouter pousser le riz.
    Ce qui n'est pas le cas à Djibouti ou en Somalie, c'est vrai... et si ce qu'il se passe aujourd'hui n'était qu'une avant garde de ce qu'il se passera quand l'eau viendra VRAIMENT à manquer ?

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  9. (ben finalement cui cui tu vois que ton billet à du succès)

    @ju rien à voir la pauvreté au Laos et dans cette Afrique. Quand je vois les cartes de la faim, j'ai l'impression qu'ils ne parlent pas de la même chose, en Asie du sud-est le manque et l'accaparement par les gouvernants n'est pas aussi criant qu'en Afrique

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  10. @ Céleste

    Oui c'est ce que je me tue à dire. Ce système va droit à sa perte. Le mépris qu'il engendre au sein des populations est palpable partout. Les gens du peuple, quelque soit la population, quelque soit l'endroit du monde éprouvent quasiment les mêmes sentiments.

    bisous,

    @ LatSgo

    Je vais aller voir le Monde Diplo. Merci LaetSgo pour ton soutien sans et pour ta gentillesse sans failles.

    @ Ju

    Si j'ai parlé de l'Afrique orientale, c'est que je connais le sujet mais je comprends que chaque pays est un cas bien particulier. Je n'ai pas la prétention en un modeste billet de décrire l'horreur sociale qui règne dans chaque pays.

    @ Annie

    Oui tu as raison, ce billet a eu du succès, mais au dernier moment et un jour peu propice.

    J'avoue que cette curiosité me réconforte.

    Merci aux très nombreux lecteurs qui sont venus hier et avant hier.

    Je vais aller voir... Merci. ;-)

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  11. témoignage émouvant et pertinent - la photo est aussi cruelle qu'évocatrice

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Laissez-vous aller à votre inspiration, sans limite ! J'ai le cuir épais, le front étroit et la vue basse...

La seule limite aux débordements : la loi....

ATTENTION ! Autrement, ici, on ne censure personne. Les insulteurs, les aigris, les haineux seront reçus comme il se doit, ils devront toutefois s'attendre à de méchantes répercussions ; un chieur averti en valant deux, place aux commentaires !
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