jeudi 29 décembre 2011

Scènes de la vie quotidienne d'un camelot du 9-3. Clignotant orange 2/3.

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Je continue mon récit, camarades,

10 heures du matin.

En pleine  séance d’atermoiements, un pote gitan vient me chuchoter dans le creux de l'oreille qu'une escouade composée de contrôleurs de l'URSAAF, de douaniers et de gendarmes vient de débarquer : ils sont au moins un trentaine.



Branle-bas de combat partout. Surtout chez les fruits et légumes à cause du personnel : les étalages de 20 mètres ne disposent plus qu'un ou deux employés pour servir.
Je sais que les gardiens de l'ordre font un repérage anonyme avant d'attaquer et connaissent déjà leurs futurs souffre-douleurs.
Brutalement, je me retrouve avec une armée de contrôleurs face à moi.
- Je suis innocent ! plaisanté-je
Ils n'ont pas ri. J'ai du commettre un vol avec mort d'homme vu la façon dont ils me jaugent...

Mes clients ont subrepticement disparu. Des keufs autour de votre stand font le même effet que si on vous aspergeait de 3 litres de lisier de porc : plus personne ne souhaite vous approcher.

Je présente ma carte professionnelle, un Kbis de 6 mois (j'ai oublié d'en commander un de moins de 3 mois), mon assurance à jour.
Ils me demandent une facture de lunettes de soleil car ils estiment qu'une paire ressemble au dernier modèle de chez Chanel. Une paire que je vends à 3 € ! Je préfère en rire...
Évidemment les factures me manquent étant donné que mon matériel date de l'été dernier. J'ai du utiliser mes facture pour la comptabilité.

Le chef douanier parle de saisir tout mon étal, camionnette comprise... Visiblement, ils me prennent pour un con : je continue à le jouer admirablement en y ajoutant la scène de la peur. Le con peureux fait toujours recette chez les flics : ils adorent le personnage !
Horreur ! Dans mes parapluies, il découvrent un parapluie à 3 € façon "Burberrys", la grande marque anglaise. Dans des lots de 60 parapluies, les Chinois en distille parfois un.

Mon cas s’aggrave. Un gendarme semble préparer des menottes toutes clinquantes quand un type arrive en courant et parle à voix basse au responsable de section. Tous déguerpissent en courant dans la seconde. Je ne les reverrai pas.

Bien entendu, pendant 40 minutes, je deviendrai le pestiféré du marché. Plus de clients : les mêmes qui se précipitaient, il y une heure me regardent avec dégoût. Pas grave, ils reviendront.

Un gars qui fait la manche pour la construction d'une mosquée se met carrément devant mon stand en psalmodiant. Je lui demande de me laisser travailler : il me rétorque que je n'ai pas de client devant mon étal. Je le regarde avec des yeux pas trop bienveillants mais avec un sourire d'acier. Il me sourit et va se placer 10 mètres plus loin.
Les barbus sont assez sympathiques en général sauf certains jeunes qui se la jouent Afghans romantiques ou maquisards de banlieue. Trop jeunes, mes fils, c'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces !

Sur les marchés ou dans les quartiers, si vous voulez éviter les emmerdes, il  faut vous affubler d'un regard d'acier et d'un sourire aux lèvres, montrez aussi beaucoup de respect mais surtout épargnez-vous les expressions de peur ou de mépris.

J'attends.

Mon voisin qui possède un étal de 25 mètres vient me chercher en me reprochant de m'être trop collé à son stand. Je lui signale que je ne dispose que de 6 mètres. Il commence à s'énerver. Je lui déclare en souriant que je vais faire mon maximum.

C'est encore un tuyau que je vais vous donner les potes, quand un keuf ou un individu mal intentionné vous demande quelque chose, acceptez avec le sourire, puis, ne faites rien :  laissez le temps résoudre le problème... Votre impétrant finira bien par se lasser.

Auparavant, je m'énervais tout de suite et les insultes fusaient : tout se terminait mal, comme l'amour en général. Désormais, je sais rendre raide dingue un nerveux qui ne se contrôle pas. C'est le privilège de la sagesse et de l'expérience.

Ma semi arrestation a fait le tour du marché : en certains endroits, il est plutôt prestigieux  d'être suspecté par les poulets. Certains en déduisent que ma marchandise a plus de valeur que les misérables 3 € auxquels je l'écoule ! Peut-être suis-je même un cambrioleur de luxe qui se sert du métier de commerçant sur les marchés comme d'une adroite couverture ?
Les voies de la renommée sont impénétrables.

Les clients reviennent... Les ennuis aussi.

À après pour la suite de la saga. Merci de votre passage.

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19 commentaires:

  1. Déjà que travailler, et surtout dans ces conditions, n'est pas simple, mais alors devenir la cible des flics et de tous les emmerdeurs du voisinage, bravo pour ce stoïcisme !
    (première fois que tu abordes ce que tu fait, non ?)

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  2. He be ! Un regard d'acier ? Faudra que j'essaie :)

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  3. Tiens cui-cui, tu as gardé le lien de mon ancien blog disparu

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  4. Ah Cui Cui, tu es l'as de la grande saga arthurienne, avec un métier pareil !

    Longue vie à notre roi !

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  5. @ Mike
    Ouais. C'est un métier que je déconseille formellement car non seulement on ne gagne rien mais on se fait bien emmerder ! ;-)
    Moi j'aime. Je me ferais sacrément chier dans un bureau ! Sur la parie droite dans les liens RSS, c'était bon. J'ai modifié le lien statique.

    @ Gaël
    L'idéal, en fait serait d'avoir un œil de verre... -DDD

    @ Babel
    Attention Babel : pour l'intérêt du récit, j'ai un peu concentré les anecdotes mais je certifie qu'elles sont toutes véridiques !
    Heureusement que ce n'est pas tous les jours comme ça sinon je serais déjà au fond du canal ! ;-)

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  6. Sûr que tu n'as pas pu conter toutes les anecdotes, tes les petite vieilles ou les autres qui frôlent l'étal et... tombé de l'étalage, ni vu ni connu. Quand aux contrôles, comme tu dis, en tant que fruits et primeurs tu sais que nous travaillons tous plus ou moins "en famille", maintenant, même le frère ou la soeur qui vient te donner un coup de main à la remballe est considéré comme travailleur au noir. En plus on n'a plus le droit de "chanter sa marchandise" vu que cela indispose les commerçants riverains !!
    N'empèche que pour l'histoire des huitres, ils m'avaient bel et bien embarquée, avec fourgon et pataqués ...
    J'allais avec mon pote dans le Blayais acheter des asperges "à la cloche" (comptant et en liquide quoi) et nous revenions, lui conduisant et moi le carnet de bons de remis et le stylo à la main au cas où on serait tombés sur la douane.
    Les melons on allait les chercher du côté de Cavaillon avec un vieux camion pourri, toujours en surcharge parce que l'on prenait les invendus des centrales d'achat, le melon donné on ne payait que la cagette ... en cas de contrôle, on se délestait à la brigade et zou on repart pour être à 4 heures au remplissage des fourgons des "bancs" des îles.
    Après trois ans de campagnes diverses, j'ai essayé de me ranger et j'ai du apprendre sur le tas la compta commerciale, du style "je sais pas mais je peux tout apprendre", cela a été dur, puis je suis retournée en hospitalier soignant et administratif pour élever des petits vieux, je préférais mes campagnes quand même.

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  7. … réponse d'ailleurs copier/coller
    cui cui je sais c’est pourquoi je te « pardonnais » de jamais venir (et je l’ai même expliqué sur d’autres blogs à l’occas). bon maintenant on va pas se chauffer comme on a fait une fois avec Joel on a oublié pourquoi… c’était idiot sans doute… et on se refréquente. et pour le cas où tu lirais pas ça je vais le copier/coller chez toi.
    bon et maintenant je vais lire

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  8. @ la Pecnaude
    Tu en connais autant que moi !
    La compta, je n'ai jamais eu de problème vu que ma formation était la gestion.

    Il est vrai qu'avec ce métier, on ressent une sensation de liberté formidable !
    C'est la principale raison pour laquelle je l'exerce !
    Merci de ton positivisme et de ta modestie.

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  9. ben moi je faisais autrement, étant femme je crois que l'atmosphère est très différente : machisme général.
    Donc poli, respectueuse, souriante et souvent rigolade étant mon tempéramment naturel… mais en cas de biz-biz : toujours les dents et les insultes, cris, engueulades… et ça marchait très bien. Et même certains avaient pris de l'estime pour moi.

    mais j'ai jamais eu "la chance" de voir les flics, je parle des mecs (ou bonne femmes) qui grignotent ta place, t'empêche de te garer, etc...

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  10. @ la pecnaude je viens de te lire attentivement et je te salue… faut faire ce qu'on aime dans la vie, reste pas enfermée si t'aime mieux être dehors. On y trouve plus facilement l'air de la liberté

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  11. Annie, ma liberté est celle que ma conscience m'impose. Le commerce, je l'ai appris avec des Mozabites qui se servaient encore de bouliers comme machines à calculer, et autant dire que j'aimais mieux être mon patron qu'autre chose ...

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  12. @ Annie
    Oui;, faisons la paix !

    Il y a peu de femmes seules et celles qui restent sont de familles de gens du voyage. Elles ne risquent donc rien du tout étant donné l'environnement.

    Pour toi et la Pecnaude , l'avoir fait toutes seules dénote un sacré caractère.
    J'en rencontre parfois des comme vous et je suis sincèrement admiratif !

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  13. … ben vi j'ai un "sale caractère" c'est connu !

    sur les gens du voyage en effet. L'une m'avait pris "d'affection" voulait m'aider… sympa, mais elle voulait que je devienne évangéliste… je suis athée !

    toi aussi t'es courageux, c'est dur, physique ce boulot… mais on y trouve du plaisir aussi, et même de l'entr'aide… ponctuelle.

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  14. Salut Cui Cui
    J'aime bien les marchés. Y a chaque jeudi sur le marché un M. qui est gitan sédentaire. Il fait des heureux et des heureuses dans les sapes pas chères.
    Je vais chercher des olives chez le couple de vieux de Sallanches. Ils se lèvent à 4 h du matin ( moi j'arrive à 8h après ma premiere partie de boulot en matinée). On discute le bout de gras. Olives pimentées succulentes, rares.
    Des reflexions sur les étrangers : t'en écoute bcp. Les hauts-savoyards (pas tous) qui descendent des Montagnes ont peur ( ils n'ont jamais vu pourtant de nègres ou/et de bougnoules de près).
    La vie dans sa brutalité et ses éclairs de générosité est là : avec un petit blanc sur les coups de 10 heures.
    Si tu passes par le Léman, fais-moi signe.
    Si je passe à Paris, fais-moi signe.

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  15. Bonne Année CuiCui !

    J'aime bien tes histoires de camelot .

    A bientôt !

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  16. Bonne année Cui-cui !

    Avec toutes les arrières pensées que cela implique. Que cette année on ne soit plus SDF, on crée nos boulots, on arrive à bouffer à notre faim et qu'enfin on puisse faire le grand ménage de la France !!!

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  17. Il est l'heure désormais. Bonne année à tous, qu'elle soit chaude et vibrante, pleine de bénéfiques évènements inattendus (car nous n'en attendions guère). Que les riches soient moins insolemment riches, et qu'il y ait de moins en moins de pauvres : malgré cette "crise", notre pays peut se permettre de faire qu'il n'y en ait plus.

    Viva Cui Cui, arriba !

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  18. Bonne année, le cui cui. Pourrons-nous faire pire ? Oui ! Pourrons-nous en faire autant. Oui !
    On continue, faut bien débâcher le matin venu...

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  19. Bonne année de gazouillis ! L'hiver tu dois te cailler les miches...

    J'ai bien aimé le conseil "dire oui et ne rien faire"...

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Laissez-vous aller à votre inspiration, sans limite ! J'ai le cuir épais, le front étroit et la vue basse...

La seule limite aux débordements : la loi....

ATTENTION ! Autrement, ici, on ne censure personne. Les insulteurs, les aigris, les haineux seront reçus comme il se doit, ils devront toutefois s'attendre à de méchantes répercussions ; un chieur averti en valant deux, place aux commentaires !
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